J’incorpore régulièrement de nouveaux ouvrages dans le fonds documentaire de la Frillière déjà bien fourni. Ce n’est pas souvent que j’en fais état. Aujourd’hui, j’intègre trois livres dont le sujet principal est Motobu Choki. C’est même lui qui en a écrit deux d’entre eux en 1926 et 1932. Le troisième raconte son histoire en se basant essentiellement sur les récits de ses descendants, ou de ses quelques élèves.
Motobu Choki est un expert issu de la haute noblesse d’Okinawa, contemporain de Funakoshi Gishin. Il est arrivé sur l’île principale du Japon (à Osaka en 1921) un peu avant que Maître Funakoshi arrive à Tokyo (1922). Il s’est forgé une réputation de combattant en relevant le défi d’un boxeur occidental redoutable qu’il a battu très nettement. Certains journaux locaux ont relaté ce combat et ont ainsi contribué à forger sa légende. Cela a très probablement contribué à l’essor initial du karaté.
Dans ses deux livres (l’un consacré au « travail à deux », l’autre à « son karaté ») Motobu parle de ses fondamentaux :
– la posture « hachimonji » comme il appelle ce qui est pour nous « kibadachi« . Elle est pour lui la « posture mère », qui permet de comprendre l’emplacement exact des hanches,
– le combat qu’il oppose au karaté de Funakoshi qu’il trouve trop axé sur les katas,
– la fluidité dont il pense qu’elle est impérative en combat. Elle favorise la liberté de mouvement et la vitesse d’exécution, par opposition à l’utilisation de la force physique. Il l’aurait acquise de Matsumura Sokon après s’être détaché de l’enseignement de Itosu Anko (qui a enseigné également à Maître Funakoshi). Il rapporte que Itosu pratiquait un karaté trop physique et très figé.
Pourtant, il insiste par ailleurs sur la nécessité de renforcer le corps de façon quotidienne pour le rendre très solide. Il était d’ailleurs plutôt trapu et puissant par opposition à Maître Funakoshi plutôt svelte.
Dans son éloge de la posture « hachimonji » (=kibadachi), il présente un seul kata dans son livre « Watashi no Karatejutsu » (= »Mon karaté »). C’est Naihanchi Shodan (=Tekki Shodan).
J’ai noté que sa forme est très proche de celle que nous pratiquons en Shotokan Ohshima. Par exemple, l’axe de ses épaules reste parallèle à tous ses déplacements pendant tout le kata. Par opposition, certaines écoles (même Shotokan) opèrent une rotation des épaules dans les déplacements.
Autre exemple, les « kage tsuki ». Il les pratique dans l’axe des déplacements. Par opposition, certaines écoles (y compris Shotokan) les pratiquent avec un certain angle par rapport à l’axe de déplacement.
Son « hachimonji » est assez étroit, comme l’est notre « kibadachi »…
Motobu nous révèle que les combats étaient pratiqués aux entrainements. J’avais pourtant en tête qu’à l’époque on enseignait quasiment que les katas.
Il montre douze séquences de combat à distance de corps à corps, sans logique de progression particulière. L’utilisation des coups de pieds est très limitée (2 séquences avec fumikomi) dont la cible reste les jambes de l’adversaire. Les attaques sur lesquelles il travaille sont quasiment chaque fois des attaques directes de poing niveau visage.
Du fait de la distance de combat rapproché, il utilise plutôt les coups de coude ou de genou en contre attaque.
Les déplacements sont très limités, les deux partenaires restant quasiment à chaque séquence sur les mêmes postures.
Pour un « expert en combat » comme il s’en est fait la réputation, l’apport de son « travail à deux » est plutôt limité.
Mais pour moi, l’intérêt de ces livres est surtout de découvrir un expert contemporain de Funakoshi, qui avait à priori une autre approche du karaté, et qui a également transmis sa compréhension du karaté dans deux livres. Par ailleurs, je me retrouve assez bien dans les fondamentaux de Motobu Choki. Ils ne me semblent pas antinomiques d’avec les enseignements de Maître Ohshima, hérités de Maître Funakoshi.
Contrairement à Maître Funakoshi dont l’école (Shotokan) s’est répandue sur toute la planète, Motobu n’a pas vraiment laissé de groupe derrière lui. Certains de ses élèves se sont orientés vers le combat sur ring. Seule une toute petite minorité dont son fils, puis maintenant son petit fils Motobu Naoki ont continué sur ses traces en tentant de faire (sur)vivre son école. En fait, il semblait impératif que ce soit un membre de la famille Motobu qui prenne le leaderhip de l’école. Or il n’y avait ni volontaire, ni personne qui ait le niveau nécessaire. Son fils a plutôt été poussé par les quelques élèves de Motobu à « se mettre à niveau ». Mais sans une grande détermination, on n’arrive pas à grand chose…
C’est le système de d’enseignement de Maître Funakoshi qui a prévalu. Bien formalisé dans « Karate-do-Kyohan » avec un nombre limité de kata, des kumite conventionnels très structurés c’est un véritable trésor. Le karaté de Motobu par contre a plutôt disparu. Motobu se targuait pourtant de pratiquer un karaté plus réaliste. Il avait un certain mépris pour le travail de Maître Funakoshi.
On peut ainsi mesurer la chance que nous avons en pratiquant le Shotokan Ohshima d’avoir un système d’enseignement très structuré et exigent hérité directement de Maître Funakoshi. En effet, nous avons « Karate-do-Kyohan » comme référentiel. C’est un gage de transmission sur le long terme qui fait écho au thème retenu pour notre 60ème anniversaire en juillet prochain : « Continuer ».
Très beau préambule. Cela donne envie de connaître son histoire, son karaté.
Notre héritage est dotant plus précieux et fragile à la fois qu’il est de notre devoir de faire perdurer.
Merci Lionel pour ton commentaire. Je partage complètement ta préoccupation, et me sens concerné comme toi pour porter l’héritage fragile de Maître Funakoshi, même si je ne suis pas en fonction de « Directeur Technique » comme tu l’es. Tu sais que nous sommes nombreux sur lesquels tu peux compter pour te soutenir dans ta tâche.
Bon courage à toi.
Bonne et Heureuse Année pour Ingrid, votre petite fille, tes enfants et toi bien sûr.
Amitiés
Passionnant…
Cela donne en effet très envie de connaître la vie et le karaté de Motobu Choki.
Surpris de trouver de tels documents traduits (directement) en français, j’ai jeté un œil sur la bio du traducteur (que je ne connaissais pas ) Jean Charles Juster.
Son approche, également très différente de celle de notre école me paraît très intéressante.
Merci Richard.
Bonsoir Luc,
J’espère que tout va bien pour toi et que tu passes une fin d’année agréable.
Merci pour ton commentaire.
Par avance, je te souhaite une excellente année 2024
Richard
Merci pour le partage
Bonne année
Merci Pascal,
J’espère que tu vas bien.
A mon tour de te souhaiter une bonne année 2024, en espérant que nous nous verrons à Marseille cet été pour le 60ème anniversaire de FSK.
Amitiés